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Association québécoise des parents d'enfants handicapés visuels
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L'estime de soi, chez les enfants vivant avec une déficience visuelle
Michelle Paré, Psychologue à  la retraite de l'IRDPQ - 2002

L’estime de soi chez les enfants vivant avec une déficience visuelle

 

« Un concept de soi positif est transmis aux enfants en leur démontrant plus d'espoir que de crainte, plus de confiance que de méfiance, plus d'intégrité que de fausseté.» (Rapp, D.W., The Developmental Nature of Self-Concept, 1974, p.14)

 

L'estime de soi

 

L'estime de soi est le résultat du jugement de l'enfant sur lui-même et sur sa compétence dans des sphères qui lui sont personnellement signifiantes et sur le degré du support social qu'il expérimente (parents et pairs).

 

Les perceptions et les sentiments qu'un individu a de lui-même, qu'ils soient réalistes ou non, façonnent de façon cumulative le concept de soi.

 

Le soi se forme dans l'interaction avec les autres, les réactions intimes à soi-même, la maîtrise à résoudre des tâches de son niveau de développement et la compétence à gérer les situations de la vie.

 

Le concept de soi est renforcé ou modifié par chaque expérience de la vie, spécialement celles des années de maturation.

 

Le petit enfant a besoin, pour l'établissement de son estime de soi, de se sentir en sécurité, d'être aidé dans le développement de son identité, d'apprendre à vivre en société et de connaître des réussites.

 

 

Facteurs contribuant à l'anxiété chez les enfants

 

·           Isolement des autres

·           Surprotection

·           Manque de guidance réelle

·           Trop ou trop peu d'admiration

·           Manque de chaleur humaine fiable

·           Domination

·           Attitudes dénigrantes et dévalorisantes

·           Indifférence et manque de respect

·           Trop ou trop peu de responsabilités

·           Discrimination

 

 

Composantes d'une personnalité saine (Erikson)

 

(L'atteinte de chaque niveau de développement influence l'atteinte du niveau suivant)

 

1.  La confiance :           0 à 15 mois. Soins maternels, consistance, continuité.                      Son contraire : Méfiance de base.

2.  L'autonomie :             2 à 4 ans. Désir de faire par lui-même.          Réassurance et contrôle extérieur ferme.                                                  Son contraire : Honte et doute.

3.  L’initiative :                 5 à 6 ans. Exploration orientée vers soi.  Régulation mutuelle parent-enfant.               Son contraire : Culpabilité.

4.  Le travail assidu :      7 à 11 ans. Être reconnu pour ce qu’on produit en utilisant ses habiletés et ses outils. Imiter les comportements adultes.   Son contraire : Infériorité et sentiment d’être inadéquat.

5.  L’identité :                  Puberté et jeune adolescence. Se questionner sur la ressemblance et la continuité avec son passé.          Sensibilité à la pression des pairs.     Son contraire : Imprécision des rôles.

6.  L’intimité :                   Jeune adulte. S’identifier avec les personnes et les choses. Habileté à prendre le risque de perdre l’ego.       Son contraire : Isolement.

7.  Aptitude à générer : Adulte. Assumer la responsabilité de ses propres actions et la guidance de la génération suivante.                            Son contraire : Stagnation.

8. L’intégrité de l’égo:    Maturité. Fruit des 7 premières étapes. Acceptation du cycle de vie unique et limité pour chacun.  Organisation des efforts vers l’intégration.                       Son contraire : Désespoir, peur de la mort.

 

La déficience visuelle

 

La majorité des études sur l'estime de soi chez les enfants vivant avec une déficience visuelle suggère que le niveau d'estime de soi tend à être le même pour eux que pour la population en général.

 

La recherche d'Anne-Marie Drapeau auprès d'enfants de 9 à 16 ans nous amène à constater que le fonctionnement intellectuel est le même pour les jeunes ayant une basse-vision que pour ceux qui n'en ont pas mais que leur fonctionnement académique atteint un niveau plus bas. Ceux-ci rapportent tout de même un bon niveau d'estime de soi, disant se sentir bien face à eux-mêmes. Cependant, pour eux l'acceptation par les autres est perçue comme étant plus faible. Pour plusieurs, la présence de la déficience visuelle est une composante significative de leur expérience de vie mais leurs intérêts et leurs préoccupations sont en général les mêmes que ceux des enfants sans déficience. Madame Drapeau conclut donc que le fait d'avoir une basse-vision ne conduit pas nécessairement à avoir une faible estime de soi.

 

Les traits de personnalité et les façons de s'ajuster à la vie sont aussi variés chez les personnes vivant avec une déficience visuelle que chez les autres personnes. La seule différence réside dans leur expérience du déficit visuel et certaines limites comportementales inhérentes à ce déficit.

 

Il n'y a pas de psychologie unique pour la personne vivant avec une déficience visuelle mais il y a des besoins d'ajustement personnels, sociaux et émotionnels provoqués par la déficience.

 

La déficience visuelle n'est qu'un des multiples attributs d'une personne. Il ne faut pas oublier que c'est la personne totale qui est engagée dans le fait de rencontrer les demandes de la vie.

 

L'estime de soi et la compétence sont les clefs pour rencontrer les demandes de la vie avec succès mais la déficience visuelle ajoute des dynamiques qui demandent une attention spéciale. Comme la vision aide beaucoup dans les tâches quotidiennes elle est très appréciée et sa diminution peut impliquer de se sentir inadéquat donc plus fragiles à l'atteinte de l'estime de soi. Pour n'importe quel enfant qui est à risque de se sentir étrange, différent, non désiré, incapable ou inadéquat, son estime de soi est en danger.

 

En connaissant d'autres personnes ayant une déficience visuelle, la personne peut commencer percevoir sa situation comme quelque chose de naturel.

 

Ce n'est pas le degré de potentiel visuel qui compte mais ce que nous faisons avec. Certains font l'erreur de confondre « inégalité » avec « infériorité ».

 

Plus l'enfant perd la vue tard, plus l'impact émotionnel et physique risque d'être grand pour lui-même et plus l'ajustement à vivre avec une déficience visuelle risque d'être long. Les petits enfants sont résilients et souples. Ils s'accommodent et s'adaptent aux stress de la vie plus facilement.

 

 

La basse-vision

 

Le processus d'ajustement peut être plus difficile pour certaines personnes ayant une basse vision que pour la personne aveugle, du point de vue psychosocial, pour l'estime de soi et l'acceptation de soi à cause de ce qu'implique le fait d'avoir une déficience non visible.

 

Les personnes vivant avec une déficience visuelle luttent régulièrement pour incorporer l'attribut de la déficience dans leur concept de soi. C'est un processus continu. Celui qui a une basse vision peut se jouer des tours en faisant semblant de bien voir mais à la longue il se nuit car il ne se permet pas ainsi de clarifier sa situation face à soi-même et avec les autres et de reconnaître ses forces et ses limites réelles.

 

Avec une basse-vision, l'enfant se situe entre voyant et non-voyant. Pour cela il peut être plus anxieux parce qu'il est assis entre deux chaises. Il peut mettre un peu plus de temps à établir un concept de soi stable car la situation complique l'ajustement social. Plus un individu peut cacher sa déficience et plus ses limitations sont diffuses et mal définies, plus il tend à éviter d'intégrer les changements nécessaires dans son image corporelle et dans son concept de soi, ce qui génère une pauvre acceptation de soi. Malheureusement, la basse-vision permet cela. De plus, sa condition se trouve moins bien comprise par lui-même, ses personnes significatives et le public en général.

 

 

Les personnes significatives

 

L'enfant se voit dans les yeux de l'autre. Il apprend à s'apprécier ou à se dévaluer comme il l'est par les autres et surtout les personnes qui lui sont significatives.

 

Plus l'avis de la personne significative est positif, fréquent et consistant, plus il peut modifier la perception de soi.

 

Parfois la personne ayant une déficience visuelle s'identifie tellement fort avec la personne significative que son estime de soi fluctue avec l'estime de soi de l'autre.

 

Les jeunes enfants en formation, les adolescents dans leur recherche d'identité et les adultes immatures sont tous susceptibles de dépendre des opinions des autres parce que leurs attributs personnels ne sont pas bien établis par eux-mêmes. Ils peuvent alors adopter ceux des autres et abandonner leurs propres opinions. La personne ayant une déficience visuelle doit évaluer pour savoir si elle doit accepter ou rejeter l'avis de l'autre. Si l'autre lui apparaît crédible ou est chaleureux et attentif il sera plus facilement accepté.

 

Il est naturel et peut-être nécessaire pour les jeunes et certains adultes de rechercher l'approbation des autres et de tenter de prouver leur compétence et leur valeur à eux-mêmes et aux autres. Cependant, l'estime de soi construit seulement sur la compétence et l'approbation des autres est fragile. Dans ce cas, les sentiments et les attitudes sont inconsistants et changeants selon les gens. Tôt ou tard l'estime de soi doit être enracinée dans la conviction fondamentale que l'individu a de la dignité et de la valeur simplement parce qu'elle est une personne.

 

Pour les personnes significatives et les autres, leurs attentes sont basées sur leur estimation des capacités de la personne vivant avec une déficience. Si ces attentes sont réalistes, elles encouragent et motivent de plus en plus et donnent confiance. Si elle sont trop basses elles dévaluent la personne provoquant la surprotection, la domination et la condescendance. Trop hautes, elles découragent et endommagent l'estime de soi.

 

Les aspirations de l'individu, enracinées dans son estime de soi, déterminent le choix de ses tâches et activités qu'il évalue selon ses critères et considère si selon lui c'est un succès ou non. Ceci influence son évaluation de lui-même, ce qui détermine ses buts futurs. Ce processus cyclique se passe simultanément chez les personnes significatives dans leur évaluation de la personne ayant une déficience visuelle. La personne significative peut alors avoir une influence positive ou au contraire nuire à l'autre si les aspirations et attentes sont source de conflit entre eux.

 

Plus les personnes significatives différent entre elles dans l'évaluation des performances de leur enfant, moins celui-ci sera certain de ses sentiments de compétence et de valeur.

 

 

Facteurs favorisant l'estime de soi et l'identification parentale

 

  • Parents qui montrent un haut niveau d'estime de soi, de stabilité émotionnelle et qui sont réalistes face à la vie.
  • Relations significatives et proches.
  • Acceptation parentale (respect, soin, préoccupation et attention) et réceptivité de l'expression individuelle et de la différence, à l'intérieur de limites clairement définies appliquées de façon consistante et ferme.
  • Attentes parentales positives qui donnent confiance dans les habiletés.
  • Autorité solide pour prendre des décisions, reposant de façon consistante autant sur la mère que sur le père mais n'étant pas appliquée par les deux en même temps.

Styles d'éducation parentale

 

Les parents permissifs : tendent à faire peu de demandes et créent un environnement non punitif et acceptant dans lequel l'enfant ajuste ses propres comportements autant que possible. Ils servent de ressource à l'enfant mais ne se voient pas comme étant responsables de former et modifier les comportements présents et futurs de leur enfant.

 

Les parents « autorisants » : tentent de diriger les activités de leur enfant mais tendent à exercer leur autorité d'une manière rationnelle, flexible qui encourage la communication avec leur enfant. Non seulement ils reconnaissent les besoins individuels et les chemins particuliers de leur enfant mais ils soutiennent ses qualités positives. Ces parents encouragent et proposent des comportements interpersonnels responsables. Le parent autorisant est ferme, claire mais n'est pas rigide, punitif, intrusif ou trop restrictif. Il explique les raisons derrière ses demandes et est ouvert à discuter les objections à son raisonnement.

 

Les parents autoritaires : tentent de former et contrôler les comportements et les attitudes de leur enfant le plus possible. Ils sont directifs avec leur enfant et valorisent en général l'obéissance ferme. Ils maintiennent leur enfant dans des rôles subordonnés, restreignent son autonomie et croient que celui-ci devrait accepter les paroles de ses parents comme étant la vérité.

 

Il semble que les enfants de parents autorisants soient plus responsables, indépendants et compétents que leurs pairs et qu'ils présentent un meilleur niveau de réussite académique et une plus grande maturité psychosociale. Par contre, les parents plus autoritaires ont moins tendance à fournir un environnement qui nourrit la créativité et favorise la dépendance.

 

 

Le soutien

 

Les enfants se valorisent et s'acceptent comme ils sont valorisés et acceptés par les autres.

 

Plus l'enfant est jeune, plus il a besoin de l'approbation des autres et parfois même plus que de satisfaire ses besoins physiologiques de base. Quand il grandit il devient de plus en plus capable d'orienter son estime de soi vers l'intérieur de lui-même et d'être supporté par la conviction de sa propre valeur, sa capacité de devenir compétent, productif, responsable pour nourrir ses propres relations interpersonnelles et les enrichir.

 

On a constaté qu'une haute estime de soi chez les préadolescents était positivement associée avec l'acceptation parentale, des limites bien établies et appliquées et le respect de la liberté d'expression à l'intérieur de limites bien définies. Si l'on ajoute à cela la compréhension, l'acceptation et le respect qui contribuent grandement à un bon ajustement et à une estime de soi positive, nous avons les ingrédients favorables à une bonne estime de soi. Support, encouragement, éloges et fierté, voilà qui soutient l'enfant et le jeune dans son évolution et sa quête d'identité.

 

Un concept de soi ne peut être changé que par l'expérience. Obtenir un changement positif n'est pas facile. Ça demande du temps, de la patience et plusieurs expériences positives. Ce qui aide ce sont les messages positifs consistants, persistants et crédibles venant des personnes significatives de confiance. La personne sensible et concernée peut exercer une puissante influence sur le processus d'ajustement vers l'acceptation de soi et l'estime de soi.

 

La déficience existe et il est bon de la connaître et de pouvoir en parler. Il faut vivre avec les essais et les échecs mais ne pas les anticiper. Ce qui compte le plus c'est la qualité de la relation affective et le soutien pour aider l'enfant à maintenir son désir de découvrir le monde et de s'y affirmer.

 

Des exigences parentales explicites et renforcées favorisent une plus forte estime de soi chez l'enfant que des exigences floues.

 

 

La communication

 

L'enfant vivant avec une déficience visuelle réalise graduellement que, contrairement à lui, les autres voient. Pour les parents, il s'agit de surveiller l'opportunité de pouvoir en parler :

 

« Certaines personnes ne peuvent pas voir les choses comme les autres. On dit qu'elles ont une déficience visuelle. Elles doivent s'approcher comme toi ou demander de l'aide. Il y a des choses que tu devras apprendre en en entendant parler. »

 

Le dire à l'enfant avant que les autres le lui disent.

 

Éviter la vérité mène à la confusion car la chose semble innommable donc mauvaise, honteuse, tabou.

 

On ne peut pas prévenir tous les traumas mais on peut les minimiser par une intervention appropriée. Les parents peuvent parfois préparer l'enfant pour des traumas sociaux ou expliquer aux pairs. Il faut être attentif au vécu de l'enfant car celui-ci ne partage pas toujours ses émotions mais continue d'y penser. Il est préférable de prévenir plutôt que de nier ou minimiser.

 

Lorsque la personne est, de façon évidente, à risque de perte de vision, une partie du deuil peut se faire à l'avance si on la prépare.

 

Avec les meilleures intentions, certains parents protègent l'enfant contre la connaissance d'une éventuelle perte de vision. L'enfant vit alors en silence des conflits difficiles à résoudre. Lorsque l'événement arrivera, il risque de le vivre comme une explosion. Il vaut mieux parler de la réalité de sa situation à l'enfant.

 

 

L'autonomie

 

C'est à travers l'exploration et l'action que l'enfant découvre ses habiletés et ses forces qui contribuent à un concept de soi sain, de là la nécessité de la stimulation.

 

En voulant trop aider pour les prévenir du danger ou éviter d'avoir peur, les personnes significatives enlèvent aux enfants ayant une déficience visuelle les blocs de construction requis pour accéder à un succès ultérieur. Il faut les laisser accéder à leur réussite.

 

L'enfant ne doit pas être protégé des expériences de non-réussite car il peut et doit apprendre de ses erreurs. Il a droit à l'erreur et doit être encouragé à explorer ses forces et ses faiblesse. A cause du lien de cause à effet entre le succès et l'estime de soi, l'expérience et le succès devraient commencer le plus tôt possible pour avoir derrière soi plusieurs expériences de réussite avant d'arriver à l'adolescence. Pour cela, il est important d'accorder à l'enfant des conditions qui lui permettent d'accomplir ses tâches et d'atteindre ses buts.

 

Être capable d'accomplir une tâche est plus important que la manière dont on le fait. La façon différente de faire les choses ne devrait pas être une barrière au sentiment d'accomplissement.

 

Ne pas leur enlever la possibilité de se pratiquer et de s'améliorer en leur laissant la fierté d'être capables d'accomplir des tâches ménagères et de contribuer au bien de la maison et des autres.

 

Surprotéger l'enfant est le signe d'un trouble dans la relation parents/enfant et bloque la démarche naturelle de celui-ci pour découvrir le monde. Faute d'expériences, la motivation se restreint. L'attitude des parents doit donc être, après un temps d'adaptation nécessaire, la plus simple possible : aimer et soutenir cet enfant. Mais c'est à lui et non à son entourage de faire son chemin dans la vie. Avec sa déficience, il a besoin d'effectuer lui-même, avec ses possibilités et ses limites, ses propres pas dans la vie. C'est ainsi qu'il va se développer et devenir autonome tout en profitant du soutien de ses parents.

 

Si une personne sait qu'une situation non familière peut 1a ramener en arrière elle est dans une meilleure position pour la gérer que si elle se ferme les yeux. Il faut aider l'enfant à faire face aux nouvelles situations, lui faire confiance tout en demeurant disponible.

 

Vivre c'est s'ajuster à des conditions nouvelles et différentes. La condition nouvelle affecte la personne et ses proches. La personne ayant une déficience visuelle a beaucoup d'opportunités d'ajustement et de contradictions qui risquent d'exposer son inhabileté et de soulever l'anxiété, la tension physiologique et l'inconfort psychologique. Mais même si la personne a une tendance saine à éviter les conflits pour maintenir la stabilité et l'harmonie, ça ne veut pas dire qu'elle peut éviter toutes les tensions et les conflits. La personne doit développer les habiletés à faire face et à résoudre les problèmes.

 

Les personnes vivant avec une déficience visuelle ont besoin de comportements compensatoires pour aller chercher l'information nécessaire pour construire des schémas et prendre des décisions à partir de l'information perçue, donc pour être compétents. Le degré auquel la personne peut aller cher l'information par elle-même, prendre les décisions personnelles elle-même et accomplir les tâches et activités sans assistance de façon satisfaisante est le degré auquel elle gagne un sens de compétence, d'être en contrôle d'elle-même dans son environnement physique et social.

 

 

L'indépendance

 

Certaines personnes ayant une déficience visuelle dépendent des autres pour certains besoins. Ils craignent ainsi d'avoir l'air moins dignes parce que leurs besoins paraissent plus. Il ne faut pas oublier que l'interdépendance est normale et saine.

 

La personne doit accepter qu'il est vrai qu'elle perd un peu d'indépendance en ayant moins de vision.

 

L'acquisition de l'indépendance est un processus graduel. L'enfant a besoin de chances croissantes pour prendre ses propres décisions, décider pour lui-même ce qu'il porte, ce qu'il fait, quel nouveau but il veut atteindre et quelle nouvelle responsabilité il veut assumer. Il faut partir de petites préoccupations et s'en aller vers de grandes décisions. Plus il grandira, plus il aura besoin d'exprimer sa personnalité à sa manière. Mais il ne faut quand même pas condamner la dépendance normale et glorifier l'indépendance. La santé est l'équilibre entre la dépendance et l'indépendance.

 

Nourrir le besoin de dépendance est très malsain. Les parents peuvent tomber dans ce piège pour toutes sortes de raison : craindre pour sa sécurité, se sentir coupable et vouloir compenser, aimer avoir quelqu'un qui dépend de soi, n'être pas assez patient pour laisser à l'enfant le temps d'accomplir sa tâche lui-même. L'enfant dépendant s'appuie sur les autres pour l'approbation, est incertain, manque de confiance dans ses propres décisions, recherche l'aide et la compagnie constante et implore l'attention et la reconnaissance des autres.

 

 

La compétence

 

La vision est très importante mais elle n'est pas indispensable. L'enfant a besoin d'expériences directes, concrètes, physiques avec une interaction verbale appropriée auprès des autres enfants et des adultes pour développer ses compétences.

 

La déficience visuelle touche à la vie pratique de chaque jour. Les mêmes besoins que les autres doivent être satisfaits de la même façon, mais souvent avec des techniques différentes. Un jugement sur la valeur ou la compétence de la personne ne devrait pas être porté là-dessus.

 

Prouver sa compétence est une source majeure d'estime de soi. Ça peut être plus difficile d'y arriver pour certaines personnes ayant une déficience visuelle, c'est pourquoi elles ont besoin des professionnels afin de la développer, de l'exercer et d'accroître leur productivité et leur responsabilité.

 

 

L'acceptation

 

Une personne qui s'accepte est une personne qui n'aime peut-être pas tous ses attributs mais qui reconnaît que tout le monde possède certains attributs négatifs percevables qui ne le détournent pas de la dignité et de la valeur fondamentale de la personne.

 

Pour s'accepter elle-même, la personne qui vit avec une déficience visuelle n'a pas besoin d'aimer la déficience mais elle a besoin de considérer à l'intérieur d'elle-même la déficience comme une de ses caractéristiques à elle. Comme pour ses autres attributs, la déficience est toujours présente bien que parfois oubliée mais néanmoins faisant partie de toute sa vie sans toutefois dominer.

 

La société

 

Il faut y revenir souvent pour que les attitudes changent. Quand les gens s'approchent plus de la personne, sa déficience devient insignifiante et peut être oubliée temporairement. La personne n'est plus une « personne déficiente visuelle », bien qu'il puisse lui arriver d'être déficiente visuelle. C'est pourquoi il faut cultiver patiemment les relations personnelles.

 

Bien que les gens doivent apprendre à comprendre les comportements des personnes vivant avec une déficience visuelle, le jeune enfant ayant une déficience doit aussi apprendre qu'il y a une réalité sociale qui récompense les réussites et rejette ceux qui ne montrent pas des comportements acceptables.

 

L'estime de soi d'une personne vivant avec une déficience visuelle est influencée par les attitudes au sujet de la déficience qu'elle et ceux qui sont importants pour elle dans sa vie entretiennent, par son adaptabilité et par les réalités qu'elle doit affronter. Pour certains, juste le fait d'éliminer les attitudes préjudiciables et d'égaliser les chances suffit pour permettre à la personne d'actualiser son potentiel.

 

 

L'ajustement

 

S'ajuster à la déficience visuelle c'est s'ajuster aux demandes de la vie avec le stress additionnel de la basse-vision. C'est un processus continu tout au long de la vie dans lequel parents et intervenants contribuent à la recherche, pour l'enfant, de son acceptation et de son estime de soi.

 

Pour certains enfants, l'ajustement n'est pas nécessaire ou évident avant qu'ils aient commencé l'école et éprouvé des difficultés.

 

Il faut aider l'enfant à trouver ses propres ajustements, le soutenir.

 

Ce que l'enfant ayant une déficience visuelle ressent à son sujet, au sujet de sa déficience et des attitudes des autres envers lui sont des déterminants aussi importants pour son estime de soi que les comportements adaptatifs et les habiletés de se débrouiller qu'il acquiert.

 

Le processus de s'ajuster à la déficience visuelle suit le même processus d'ajustement que n'importe quel changement majeur dans la vie d'une personne. Lorsque l'enfant ayant une déficience visuelle prend conscience pour la première fois qu'il est différent des autres il peut vivre une phase d'ajustement qui se répétera à chaque fois que le contact social et le contact avec l'environnement fera resurgir ses limites et son besoin d'acceptation de soi ou de valorisation de soi. Cet ajustement n'est pas statique mais dynamique et fluide.

 

En s'ajustant, la personne tend à développer de nouvelles habiletés, modifier ses aspirations et son mode de vie si nécessaire ou modifier occasionnellement son environnement de telle sorte qu'elle réduit le nombre de situations désagréables. Elle recommence ensuite à se voir comme une personne ayant plusieurs caractéristiques dont une est la déficience visuelle plutôt que de se voir comme une personne handicapée.

 

 

Facteurs pouvant avoir un impact sur le développement de l'estime de soi pour les enfants vivant avec une déficience visuelle.

 

1.   L'opportunité d'aider les autres : Les enfants vivant avec une déficience visuelle ont l'habitude qu'on leur offre de l'aide. Quand les encourage-t-on eux à aider les autres, à montrer leurs habiletés particulières ?

 

2.   La maîtrise des tâches : Commencer jeune à avoir des responsabilités domestiques en leur enseignant la manière. Ceci peut mener à maîtriser les corvées, permettant à l'enfant de se sentir important et utile dans le système familial normal.

 

3.   L'attitude parentale : Les attitudes parentales sont très importantes pour les enfants et sont remarquées par eux très tôt. Laisser-leur savoir que vous avez confiance en eux. Encouragez-les à essayer, demandez-leur de vous aider quand vous en avez besoin et donnez-leur plein d'opportunités de se pratiquer en commençant lorsqu'ils sont jeunes.

 

4.   Le besoin de structure et de discipline : Ne pas excuser des comportements inappropriés à cause de la déficience de votre enfant. Laissez-lui savoir que vous attendez de lui les mêmes comportements que tous les membres de la famille. Laissez-lui savoir que vous avez des attentes claires face à lui et que vous savez qu'il est capable d'accomplir la tâche.

 

5.   Les attentes positives pour le futur : Mettre l'emphase sur leurs talents et ainsi les encourager à développer des habiletés qui peuvent mener à des buts futurs et peut-être même à une future profession. Laissez-leur savoir combien vous appréciez leurs talents et leurs qualités particulières. Encouragez-les aussi à essayer de nouveaux projets.

 

6.   L'ordre dans sa vie : En établissant la routine de garder leur chambre relativement propre, de faire leurs devoirs après l'école, d'aller au lit à une heure décente vous leur montrez à ordonner leur vie. Si vous commencez tôt dans leur vie, ce sera plus facile à maintenir.

 

7.   La prise de décisions : Donnez-leur des choix et donnez-leur l'opportunité de s'exprimer.

 

Les opportunités de maîtriser les corvées, de prendre des décisions, d'aider les autres et de développer une routine ordonnée peuvent mener au succès d'accomplir des tâches, ce qui est très important sur la route de l'indépendance.

 

Ce sont tous les petits pas le long de la route qui rehaussent le degré de confiance. Les petits succès mènent aux plus grands, donc à la confiance et à l'estime de soi. Ceci commence quand l'enfant est tout petit. Il n'est jamais trop tôt pour encourager l'estime de soi chez votre enfant en lui donnant une chance de démontrer combien il est capable.

 

Et même si vous n'avez pas pu commencer lorsqu'il était tout petit, tout ce que vous commencez maintenant avec votre enfant afin de lui montrer ce en quoi vous croyez et combien vous voulez croire en lui passera tôt ou tard dans sa pensée et prendra forme un jour ou l'autre. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, bien qu'à l'adolescence il soit un peu tard pour vouloir commencer à lui donner le goût de l'ordre... Vous pouvez tout de même commencer à lui mettre l'idée dans la tête !

 

 

Bibliographie

 

Cardinali, Gina et D'Allura, Tana, Parenting Styles and Self-Esteem : A Study of Young Adults with Visual Impairments. Journal of Visual Impairment & Blindness, May 2001.

 

Drapeau, Anne-Marie, Academic achievement and self-esteem in children and adolescents with moderate visual impairment. Thèse de l'Université de Windsor, Ontario. 1996.

 

Duclos, Germain, L'estime de soi, un passeport pour la vie. Éditions de l'Hôpital Sainte-Justine, 2000.

 

Griffon, Pierre, Déficiences visuelles: pour une meilleure intégration. Éditions du CTNERHI, 1995.

 

Laporte, Danielle, Favoriser l'estime de soi des 0-6 ans. Éditions de l'Hôpital Sainte-Justine, 2002.

 

Laporte, Danielle et Sévigny, Lise, L'estime de soi des 6-12 ans. Éditions de l’Hôpital SainteJustine, 2002.

 

Tuttle, Dean W., Self-esteem and adiusting with blindness. Charles Thomas publisher,1984.

 



PARÉ, Michelle , psychologue, Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ), Mars 2003